Gris

Révélé en août 2018 par Devolver Digital, GRIS, le premier jeu du studio barcelonais Nomada Studio, n’a pas pu passer inaperçu grâce à un visuel accrocheur, qui en a laissé plus d’un bouche bée. Une direction artistique si forte qu’elle m’a tout de suite donné envie de l’explorer, de me plonger dans ce monde étrange, fait de formes et de couleurs, à la composition quasi divine. Prêt à commencer cette balade onirique, loin d’être “grise” ?

Fiche Technique

  • Genre : Narrative-Platformer / Extase visuelle
  • Titre original : GRIS
  • Date de sortie : [PC/Switch] 13/12/2018
  • Développeur : Nomada Studio
  • Editeur : Devolver Digital
  • Plateforme : PC, Switch

Contexte de jeu

  • __Jeux du même genre déjà faits : INSIDE (Switch), Limbo (PC), Closure (PC), Thomas Was Alone (PC).
  • Attente : Forte.

Unstack Story

Déjà conquis par les trailers à la beauté époustouflante, le seul doute qui m’habitais au lancement du jeu était d’avoir une expérience terne, si mal maîtrisée que des graphismes chatoyants ne pourraient relever le niveau. Mais heureusement, GRIS n’est pas comme ça. Sous les aspects d’un narrative-platformer, le jeu nous met dans la peau d’une jeune femme aux cheveux bleus, vêtue d’une ample cape noire, chantant délicieusement dans la main d’une statue de femme géante, en harmonie avec cette présence protectrice. Mais les choses vont vite se gâter, la statue se craquelant, pour finalement tomber en ruine, entraînant notre héroïne dans une chute semblant ne jamais vouloir se finir. Elle atterrit au bout d’un moment dans une espace blanc, où seul un trait fin défini le sol. Avec effort, malgré l’ampleur de sa perte, elle décide de se relever, et d’avancer dans le but de retrouver les couleurs pour rhabiller son monde, maintenant dévasté. Voilà ce qui résume *GRIS*…

À force de progresser, de réapprendre à marcher, à sauter, nous allons nous mettre à la recherche de ces couleurs si belles dans lesquels nous baignions auparavant. Le jeu est découpé en différentes zones, où le but final de chacune sera de repeindre l’univers d’une nouvelle couleur. D’abord le rouge, puis le vert, et cetera jusque là où le chemin nous portera. En route, nous serons confrontés à différents obstacles, que nous devront surmonter en utilisant les pouvoirs que nous acquerrons, en commençant par la marche, le saut, et je n’en dirai pas plus pour ne pas gâcher la surprise. En plus il nous faudra collecter de petits points blancs, qui se mettront bout à bout pour former des ponts qui combleront les précipices sous nos pieds. Ainsi, de tableau en tableau, nous pourrons avancer dans notre quête de redonner une joie colorée à ce monde…

Et là dessus, les gens de chez Nomada Studio ne rigolent pas du tout. Le jeu est tout simplement magnifique ! On voit rarement une direction artistique aussi tranchée, aussi maîtrisée, qui nous fait dire que “Wouah ! Là, c’est vraiment une vision d’artiste…”. À base d’aquarelles vives, les différents panoramas mettent en scène des structures géométriques finement ciselées, peuplé de créatures mystiques, planant et marchant, comme autant de présences pour combler le vide. Et le jeu met tout cela en avant en faisant régulièrement des changements dans l’échelle du plan, reculant à outrance (ce qui rend par moment notre personnage difficile à repérer, avouons-le), afin de créer de véritables compositions vivantes qui nous laisse coi, la manette à la main, les doigts immobiles, n’osant pas faire le moindre geste, de peur de casser cette magie visuelle si fragile. Accompagné d’une bande son actrice de l’action, GRIS nous met à fleur de peau, devant un univers merveilleusement vivant et sensoriel. On prend un véritable plaisir à parcourir les ruines d’albâtre qui jonchent notre chemin, avant de se laisser glisser avec grâce sur des dunes d’un sable rouge sang, de se perdre dans la luxuriance d’une forêt tortueuse, passant de cavernes aux palais cosmiques. Alternant entre phases de plateforme et d’énigme où l’on le maîtrise le jeu, et moments de laisser-aller, où le jeu nous dit “Vas y, laisse moi faire, regarde, ressent, vie ce que j’ai à t’offrir”, on est maintes fois griser (tiens!?) par les envolées lyriques et poétiques que déclenchent nos actions. De plus, libérer une nouvelle couleur va altérer l’aspect du monde, donnant l’impression d’une course à l’abondance picturale, se concluant par une apothéose de sens dans un final grandiose !

Capture d'écran

GRIS nous propose donc une aventure au rythme maîtrisé, et la promesse de départ, un enchantement visuel, est tenue. Mais là où il diffère d’un Inside plus narratif, c’est qu’il n’oublie pas d’être un jeu ! À la base platformer, il fourmille d’idées de gameplay, certes déjà vues, mais qui fonctionnent dans le contexte du jeu. Que ce soit les plateformes qui disparaissent et apparaissent en rythme, le vent soufflant par intermittence, les masses d’eau en lévitation, la lumière qui montrent les plateformes, on sens les différentes inspirations des créateurs. Dans GRIS, on se sent réellement dans un jeu de plateforme, avec les codes qu’on connaît et qu’on maîtrise. Alors bien sûr, narratif oblige, on ne peut pas mourir dans le jeu, et ce qu’on nous demande de faire n’est jamais incroyablement difficile. Mais, rater son saut nous fait perdre suffisamment de temps pour donner une impression d’accomplissement quand on le réussi. Le jeu se met ainsi à la portée d’un large public, allant du joueur biberonné à Super Meat Boy au néophyte total, tout en offrant une densité de jeu impressionnante. C’est incroyable de voir la quantité de mécaniques qu’ils ont réussi à faire tenir dans une expérience durant un peu plus de trois heures ! Le tout sans les expliquer, juste en les suggérant, par l’environnement et l’apprentissage. On se retrouve même à avoir des mécaniques qui n’apparaissent qu’une fois dans toute l’aventure, comme s’ils avaient, en plus de le faire par l’image et la musique, voulu nous émerveiller par des touches de gameplay amusantes et éphémères.

Nomada Studio livre là une fable onirique et enchanteresse, qui nous invite à décrypter le message qu’elle porte. La symbolique des couleurs, les environnements jonchés de représentations de femmes en pleurs, la quête de notre protagoniste pour retrouver les mains de pierre chaleureuse de la statue pour laquelle nous chantions, tout cela nous raconte, par touches, le périple à effectuer suite à la perte de quelqu’un, ou de quelque chose en nous. Recolorer un monde qui semblait condamné à rester terne, combattre le noir désespoir qui rattrape et accable, accepter et avancer, c’est peut être là que se trouve la signification de ce titre : GRIS. Un mot fort quand on le met en perspective avec ce qu’est le jeu.

Pas révolutionnant dans les phases de jeu qu’il propose, GRIS n’en reste pas moins une aventure émerveillante, dans laquelle on prend un véritable plaisir à se balader. Sensoriel et onirique, c’est avant tout un jeu qui se montre…

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Jijidici Written by:

Suite à de trop nombreux achats compulsifs, Jijidici s'est retrouvé avec une pile de jeux Gamecube, Wii et Wii U, et l'incertitude d'avoir le temps dans une vie pour y jouer. Il décida de se lancer dans une quête de dépilage, et de narrer, dans les "Unstack Stories", ses nombreuses aventures. Fervent joueur Nintendo, il n'hésitera pas à s'ouvrir à d'autres styles de jeu, allant même jusqu'à entamer sa collection Steam !

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